Art génératif: de la découverte à la publication d’un projet dans un studio prestigieux

Art génératif: de la découverte à la publication d’un projet dans un studio prestigieux


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Vous le savez maintenant, je suis très curieux. J’adore découvrir des nouvelles disciplines et les explorer pendant des mois ou des années. Je vous ai par exemple déjà parlé ici de production musicale, végétarisme ou encore de guitare électrique.

Dans cet article, j’aimerais vous parler de ma grosse passion depuis 2 ans: l’art génératif ! De mes premiers scripts générant des animations simples, à une expo à New York ou encore un drop (c’est-a-dire un lancement de projet dans notre jargon) avec un des studios les plus exigeants, je vais vous raconter cette aventure aussi inattendue que passionnante.

Edit: Suite à la publication de cet article, on m’a proposé de faire la keynote de cloture du DevFest Toulouse 2023 sur le sujet.
Vous pouvez voir cette conférence sur Youtube.

Qu’est-ce que l’art génératif?

Mais avant de commencer, qu’est-ce que l’art génératif ? L’art génératif est une création artistique généralement numérique utilisant des algorithmes pour concevoir des œuvres se générant d’elles-mêmes ou non déterminées à l’avance.

Je vais aussi parler de code créatif (creative coding en anglais), c’est une définition plus large. Cela consiste à utiliser la programmation informatique comme un moyen d’expression artistique (visuel, musical, littéraire, interactif, performatif…) à part entière.

Découverte du code créatif et premiers pas sur Hic Et Nunc

Tout commence lorsqu’un jour, j’ai envie d’apprendre à dessiner. J’ai aucune compétence dans le domaine, mais je suis curieux d’essayer. J’aime bien l’idée d’avoir une nouvelle passion déconnectée des écrans. Je m’imagine déjà avec un carnet et un crayon en train de dessiner à une terrasse de café.
Je demande à une amie artiste de me donner un cours. Même si son cours est super, sans grande surprise, je me rends vite compte que j’ai tout à apprendre et que ça va être un long chemin.
Très vite, j’ai envie de faire des dessins plus géométriques, puis sur iPad avec Procreate pour palier mon manque d’adresse, puis du dessin vectoriel… puis je retourne devant mon ordinateur pour coder ce que je voulais faire !
Voilà comment je fais mes premier avec le code créatif.

Je commence avec la découverte p5.js, une bibliothèque JavaScript, probablement la plus utilisée, surtout par celles et ceux qui débutent. On pourrait la décrire en disant que c’est Microsoft Paint, mais en Javascript. Il y a plein de ressources pour apprendre, des livres, un éditeur en ligne
Je commence à jouer avec les mathématiques, la physique, les algorithmes les plus classiques de l’art génératif, le bruit, l’aléatoire…

Un de mes tous premiers essais en p5.js

Au fur et à mesure que j’immerge dans la programmation créative, je commence à suivre de nombreu·ses·x artistes sur Instagram et Twitter, à apprendre de leurs travaux et à expérimenter avec mes propres idées. C’est une période d’exploration et de découverte.

C’est à cette époque que je fais mes premiers drops sur Hic Et Nunc. Je commence par publier des boucles parfaites (perfect loops), des animations qui se répètent sans fin. A ma grande surprise, ses premiers drops sont bien accueillis, et je commence à recevoir des retours précieux de la part des mes tous premiers collectionneurs.

Animated Rays 01 sur Hic Et Nunc

Découverte du long-form et premiers drops sur fx(hash)

Dans la suite de cet article, je vais principalement vous parler de Long-Form. Le Long-Form, a été popularisé par des plateformes comme Art Blocks ou encore fx(hash). Le concept est le suivant:

L’artiste crée un script génératif, qui est enregistré sur une blockchain, le rendant permanent, immuable et vérifiable. Ensuite, l’artiste spécifie le nombre d’itérations (c’est-à-dire de pièces) disponibles à être créées à partir du script, généralement quelques centaines. Lorsqu’un collectionneur achète une itération, le script est exécuté pour générer une nouvelle pièce, qui est ensuite encapsulée dans un NFT et transférée directement au collectionneur. Personne, y compris le collectionneur, la plateforme ou l’artiste, ne sait précisément ce qui sera généré lorsque le script sera exécuté, ce qui en fait une surprise pour tout le monde.

Je publie, ou « droppe » comme on dit dans le milieu, mes premiers projets long-form sur fx(hash) très peu de temps après son ouverture. Le premier projet que j’ai publié est SEA. Le projet est très simple, fait en quelques jours… mais j’apprends beaucoup. C’est un projet long-form de 150 editions animées fait en quelques jours pour jouer avec fx(hash). Voici quelques pièces, toutes générées avec le même code donc, mais je vous invite à aller sur la page du projet, pour voir l’ensemble de la collection et les animations :

Rapidement, ces pièces trouvent un·e collectionneur·se. Je discute avec certain·e·s, je tombe que sur des gens très sympathiques, aussi amusé·e·s que moi à l’idée de vois comment les gens expérimentent avec ces plateformes, être spectateur·rice·s toute cette ébullition et créativité, plutôt averti·e·s sur l’art génératif et les NFT en général…

C’est ainsi que je me retrouve à publier une quinzaines de projets sur la plateforme en quelques mois. A chaque fois je teste de nouvelles techniques, je me questionne sur l’esthétique, je teste de nouveaux concepts…

Mon profil fx(hash)

Laissez-moi vous parler de deux projets qui me tiennent particulièrement à cœur.

BRIDGE

BRIDGE est un projet collaboratif pour lequel j’ai publié le code sur Github et invité tou·te·s les artistes que le souhaitaient à contribuer. C’est un projet long-form de 520 éditions. Le concept est simple : écrire un bout de code qui dessine un pont en p5.js en respectant bien la position des dalles données. Chaque pièce mintée (achetée) a un style par défaut, mais la·e collectionneur·se peut faire défiler l’ensemble des 26 styles sur son pont.

Ce projet m’a permis de faire connaissance avec plusieurs artistes avec qui je discute toujours. C’est passionnant de voir la diversité des styles alors qu’on avait les mêmes contraintes.

ARTERIA

J’aimerais aussi parler d’ARTERIA. C’est surement un des projets dont je suis le plus fier sur fx(hash) pour le moment. Il est composé de 320 éditions.
A ce moment-là, j’ai envie de plus prendre mon temps, d’essayer de faire des projets plus complexes et travaillés (voici un article making of qui décrit en détail le fonctionnement et le processus créatif).

Le nom « ARTERIA » signifie « artère » en ancien occitan. Le projet est une exploration du concept d’agents autonomes, des entités qui suivent un ensemble de règles simples, ici pour dessiner un chemins.

Dans ARTERIA, les agents ont un comportement par défaut : ils vont tout droit, se reproduisent, et meurent lorsqu’ils rencontrent la trajectoire d’un autre agent. Quand ils se déplacent ils dessinent de petits cercles. Le système commence avec des dizaines de paramètres initiaux aléatoires, comme le niveau de récursivité, la position et la taille des agents, les couleurs, l’angle de naissance et la distribution. Les possibilités sont infinies.

Enfin, certaines règles locales peuvent être appliquées. Par exemple, tous les agents dans la moitié supérieure peuvent tourner lentement. Le résultat final est le produit des paramètres initiaux, des interactions entre les agents et des règles locales. C’est une œuvre qui illustre la beauté et la complexité qui peuvent émerger de règles simples et d’interactions autonomes.

ARTERIA #166

« J’aurais voulu être un artiste » 🎵

Le drop d’ARTERIA est plutôt un succès sur fx(hash). Je commence à avoir des collectionneurs qui suivent de près mon travail, achètent et partagent mes projets, me conseillent et me soutiennent. Cela me donne encore plus envie de prendre mon temps, travailler toujours plus l’esthétique, créer des générateurs plus riches et complexes… Bref, ça devient sérieux!

Voici d’ailleurs un podcast enregistré en juin 2022 dans le lequel je suis interviewé par Lucie-Eleonore Riveron (CEO de FauveParis, maison de vente aux enchères à Paris). J’y parle de mon parcours, mais aussi de mon syndrome de l’imposteur qui fait que j’ai du mal à me considérer comme artiste, des préjugés que je peux avoir sur les « vrais artistes », de mes envies pour la suite…

fx(hash), dont j’ai beaucoup parlé jusqu’à maintenant, est une plateforme ouverte, au sens au n’importe qui peut poster un projet quand elle ou il veut (et il y a plein de projets géniaux sur cette plateforme !). Mais il y en a plein d’autres, certaines sont aussi ouvertes, d’autres nécessitent que le projet soit sélectionné par un panel de curation. Certaines plateformes comme gm.studio ou ArtBlocks, avec sa section Curated, peuvent très être exigeantes !

Je commence alors à me lancer un challenge, et si j’arrivais moi aussi, à faire un drop avec une de ces plateformes qui me font tant rêver.
Vais-je y arriver ? réponse dans la suite de l’article !

FOLRADURA

Je continue à expérimenter avec un nouveau projet long-form intitulé « FOLRADURA« , qui sera publié sur 256art. Ce projet explore la création de motifs organiques à l’aide d’un mélange de mathématiques, de physique, de bruit et de hasard.

FOLRADURA #2

FOLRADURA est basé sur un concept principal : les modificateurs locaux. Un modificateur applique un effet local (par exemple une attraction) à une grille de centaines de milliers de points. Ce que vous voyez est le chemin des points, entre position initiale et leur position finale. Chaque édition joue avec 1 ou 2 types de modificateurs. Ils peuvent être positionnés de différentes manières, parfois de manière aléatoire, parfois en grille. Chacun peut produire des effets très différents selon leur type (carrés, spirales, lignes, vagues…) et leur configuration.

Chaque point est influencé par tous les modificateurs. Toute cette complexité crée un aspect très organique et de nombreux détails. Le projet a été un succès et a permis de montrer l’esthétique et la complexité qui peuvent émerger de règles simples et d’interactions autonomes. Je vous invite à lire le Making of si vous voulez plus d’info.

https://twitter.com/camillerouxart/status/1544384571730427905

Plus d’info sur FOLRADURA

INTRACADA

Comme j’avais adoré jouer avec les agents autonomes avec ARTERIA, je décide reprendre le concept et essayer de prendre une nouvelle direction.

https://twitter.com/brtmoments/status/1630697350502170624

Le nom « INTRICADA » signifie « entrelacé » en ancien occitan. Ce projet explore l’équilibre entre l’émergence et le contrôle, un thème récurrent de l’art génératif.

INTRICADA est à basé sur le concept d’agents autonomes, similaires à ceux utilisés dans mon projet précédent, ARTERIA. Ces agents dessinent de très petits points et suivent des règles simples. J’ai conçu Intricada comme une simulation, en donnant des conditions initiales et en observant ce qui en résulte. Chaque pièce est le résultat de milliers de conséquences imprévisibles.

Ce qui rend INTRICADA unique, c’est la grande variété de résultats possibles. De nombreux paramètres influencent la position initiale et la direction des agents, les palettes de couleurs, et bien d’autres aspects. Chaque combinaison crée une résultat très unique.

INTRICADA offre une expérience visuelle à plusieurs niveaux. De loin, une pièce INTRICADA peut ressembler à des cercles qui se croisent, à des motifs géométriques, à des confettis… En se rapprochant, on peut voir que ces formes sont composées de multitudes de trajectoires d’agents. Et si on se rapproche encore plus, on peut voir que ces trajectoires sont composées de points, plusieurs centaines de milliers par sortie.

INTRICADA a été droppé (publié) en open edition, ce qui signifie qu’il n’y avait pas de limite au nombre de pièces qui peuvent être créées, mais une limite de temps. En effet, j’ai eu l’honneur d’être sélectionné par Bright Moments pour être leur artiste du mois en mars 2023. La particularité de Bright Moments est de toujours prendre soin de donner une dimension physique et humaine aux projets qu’ils publient. Ainsi, Intricada a pu être présenté dans plusieurs villes à travers le monde, comme New York, Londres, Mexico, Venice Beach, Berlin, Tokyo… expérience incroyable!

Plus d’info sur INTRICADA

The Source

En parallèle d’INTRICADA, depuis juillet 2022, je travaille sur un projet de collaboration avec un ami (et aussi associé) de longue date, Matthieu Segret. Depuis mes débuts dans cet univers, je lui parle de mes découvertes. Il ne lui faut pas longtemps pour se laisser tenter lui aussi (je vous laisse découvrir son profil fx(hash)).

Eté 2022, cela fait un 1 an que l’art génératif occupe une part non négligeable de notre temps libre et qu’on en parle tout le temps. Petit à petit germe une idée : et si on mettait en commun nos compétences autour d’une collaboration artistique. Trouvons une idée, amusons-nous, faisons de notre mieux… et nous verrons bien ce qui en ressortira !

Pour ce projet, Matthieu a envie de jouer avec des textures et tenter d’avoir un rendu physique, moi avec des concepts mathématiques.

Séance de brainstorming avec Matthieu

C’est là que commence des mois de réflexion, de brainstorming, d’essais, de code, de débug, de doute, de joie… Au bout de quelques mois nous trouvons notre ligne directrice : représenter de manière abstraite l’eau sous diverse forme et avec des réflexions colorées inspirées de divers endroits du monde entier. Durant cette période, nous louons d’ailleurs régulièrement des Airbnb pour travailler ensemble, parfois au bord de la mer ou d’une rivière pour l’inspiration.

Nous avons déjà raconté la genèse du projet en détail sur notre blog, alors je me permets de faire un saut dans le temps de quelques mois.

Début 2023, nous commençons a être très contents de ce que nous avons. C’est surement le meilleur projet que nous avons fait jusqu’à maintenant. Le fait d’être deux et d’y passer autant de temps, nous a permis de travailler chaque détail.
Bref, nous avons un projet, un nom, un dossier de présentation… il faut maintenant trouver où le publier. Nous proposons le projet à plusieurs plateformes dont celles qui me font rêver depuis un moment.

Début mai, la nouvelle tombe, gm.studio souhaite publier notre projet ! La particularité de gm.studio c’est que le panel de curation ne connait pas le nom de l’artiste. Cela permet une sélection plus équitable et inclusive, uniquement basée sur le projet. C’est une plateforme qu’on adore. On aime beaucoup leur sélection. Enfin pour couronner le tout, c’est la première fois qu’on projet est sélectionné à l’unanimité par le panel de curation. Bref, on est plus que ravis et sans tarder, on signe avec eux !

Bref, The Source sort sur gm. studio le 31 juillet à 17h ! Je vous laisse admirer l’incroyable teaser qu’ils ont réalisé pour l’occasion:

Plus d’info sur The Source

Quoi de prévu pour la suite ?

Je vais tout d’abord fêter et profiter du drop de The Source. C’est quand même la conclusion d’un an de travail. Mais il est évident que l’aventure ne s’arrête pas là.

J’ai des projets dans les cartons. Comme j’ai adoré l’expérience de la collaboration, il est fort probable qu’on remette ça (on a déjà un idée en tête). J’aimerais aussi pouvoir avoir l’occasion de faire découvrir mon travail et plus généralement l’art génératif dans ma ville, Montpellier, ou en France.

Si vous voulez connaitre la suite, ça se passe sur les réseaux sociaux dédiés à l’art:

Je vous invite également à découvrir mon site perso dédié à l’art ou encore écouter mon podcast sur l’art génératif.

Merci à toutes celles et ceux qui ont pu contribuer à cette merveilleuse aventure !