Ai-je dérangé quelqu’un ? Ma blague était-elle discriminante ? Ai-je fait une généralité ? … Autant de questions qui résonnent de plus en plus dans ma tête. Cela devient une réelle préoccupation.
Depuis quelques temps, je fais évoluer ma façon de communiquer et d’interagir avec les autres afin d’avoir des comportements plus en accord avec mes idées. L’objectif est d’être plus inclusif, plus à l’écoute, plus ouvert… bref, davantage bienveillant.
Si vous n’êtes pas 100% au clair avec le concept de bienveillance, voici une vidéo de rattrapage :
Voici les nouveaux comportements que j’essaye d’avoir pour évoluer dans ce sens.
Eviter les stéréotypes
Il peut être dangereux de véhiculer des stéréotypes, principalement lorsqu’ils sont faux et qu’ils peuvent être contredits.
Les stéréotypes peuvent par exemple se cacher dans des phrases du type « Tous les hommes sont… », « Les informaticiens portent toujours… », etc.
J’essaye de les détecter et d’en véhiculer le moins possible. C’est loin d’être évident car il y en a qu’on entend régulièrement et il est difficile de se rendre compte qu’il s’agit de stéréotypes.
J’évite notamment de faire des généralités et je préfère donner des exemples précis.
Être inclusif·ve
Par exemple, si on ne représente les informaticien·ne·s que par des hommes, on pourrait finir par penser qu’il n’y a pas de femmes dans le milieu, ne pas les considérer et ne pas en tenir compte, … Les femmes pourraient même finir par se sentir exclues. (toute ressemblance avec la réalité serait purement fortuite)
Même si un groupe personne est composé majoritairement de personnes ayant telle ou telle caractéristique, il est important de ne pas résumer le groupe à cette majorité. On pourrait vite finir par oublier les minorités et avoir une vision déformée de la réalité. On passerait en plus à côté de la richesse de la diversité de ce groupe.
Certain·e·s informaticien·ne·s sont des femmes, certains couples sont homosexuels, certain·e·s sportif·ve·s sont handicapé·e·s…
Je trouve assez difficile d’être sûr d’être totalement inclusif, mais je fais de mon mieux pour inclure les « minorités » dont j’ai conscience.
Dans le cas particulier de l’égalité femme – homme, j’ai fait le choix de faire toute ma communication publique en écriture inclusive.
Se méfier des normes
En philosophie, une norme est un critère, principe discriminatoire auquel se réfère implicitement ou explicitement un jugement de valeur.
– « norme » – Wikipedia
La page de Wikipédia sur la norme continue en précisant : « Une personne vivant hors de la norme est rejetée par l’ensemble. Elle se retrouve alors dans la marge. La personne est ostracisée. Les normes ne sont souvent pas visibles à ceux qui les portent. Dès qu’une personne n’entre pas dans le moule, une personne ou un groupe, parfois même de façon inconsciente, va rejeter cette personne. Cela va jusqu’à ressentir de l’antipathie pour une telle personne. »
Je me méfie par exemple des mots ou expressions tels que « anormal », « bizarre »… qui sont souvent utilisés pour qualifier quelque chose ou quelqu’un qui n’est pas dans la norme.
Au sens générique, ils existent cependant des normes très utiles : comment se dire bonjour ? Que faire lorsqu’on est invité chez quelqu’un ? …
Sans ces normes, il serait probablement compliqué voire impossible d’interagir.
Je me questionne régulièrement si les normes auxquelles je me fie peuvent exclure certaines personnes ou si elles sont en désaccord avec mes valeurs.
Par exemple, je considère la galanterie comme une forme de sexisme bienveillant (je n’ai rien inventé, Simone de Beauvoir l’a fait avant moi). Je m’efforce donc de me détacher de cette norme.
Demander le consentement
Lorsqu’on se détache des normes, il devient difficile de savoir comment se comporter. On peut déranger quelqu’un en ne se fiant pas à une norme, ou à l’opposé, en respectant une norme qui dérange l’autre.
Que faire lorsqu’on n’a plus de normes pour savoir quoi faire ? J’ai l’impression que c’est à ce moment là que le consentement prend le relai.
Si je ne sais pas comment me comporter, je vais demander à l’autre si je peux faire telle ou telle chose. Par exemple, si j’offre un verre à une fille sans rien lui demander, elle pourrait trouver ça sexiste, car comme moi elle pourrait considérer la galanterie comme du sexisme. En revanche, si je lui demande si je peux lui offrir un verre, je suis sûr de ne pas faire d’impair !
Eviter toute stigmatisation
On peut stigmatiser un groupe ou une personne à cause de caractéristiques physiques, de comportements, d’idéologies…
Dès que je fais référence à une caractéristique d’un groupe ou d’une personne, je me demande si c’est réducteur, si ce que je dis pourrait déranger le groupe ou la personne visé…
J’ai par exemple un ami qui est grand. Régulièrement, des gens lui font des remarques à propos de sa taille. Ce n’est pas fait pour nuire, souvent même dans l’idée d’être sympathique et pourtant, chaque remarque le stigmatise, lui montre qu’il est perçu comme étant hors de la norme, …
Je m’interdis aujourd’hui toute remarque stigmatisante de ce style.
Eviter tout humour offensif/oppressif/discriminant
J’entends par humour offensif/oppressif/discriminant, l’ensemble des blagues sexistes, racistes, homophobes…
Ces blagues ont des points communs. A chaque fois, elles sont faites par un groupe dominant et se moquent d’un groupe (ou d’une personne) dominé/opprimé/oppressé. Elles sont souvent faites en l’absence du groupe ciblé ou du moins, en lui demandant d’avoir du « second degré ».
Etant un homme blanc français cis hétéro, j’ai la chance d’être plutôt épargné par ce genre d’humour et pourtant, cela fait longtemps que cet humour ne me fait pas rire.
L’humour peut également être utilisé pour stigmatiser, par exemple, en se moquant d’une caractéristique d’une personne ou d’un groupe.
Je ne peux plus rire de rien alors ? Si si, il reste plein de formes d’humour ! J’aime rire d’une situation absurde, j’aime rire pour sortir d’une situation embarrassante, j’aime l’humour qui dénonce et fait passer un message… (par exemple pour lutter contre les discriminations)
Quelques ressources pour aller plus loin
Respecter la vie privée
Dévoiler la vie privée de quelqu’un peut être un moyen de prendre le dessus sur cette personne, la gêner, ne pas la respecter…
On est surement beaucoup à avoir vécu un moment où une connaissance a dévoilé une partie de notre vie privée (ou risquait/menaçait de le faire) sans vérifier qu’on était ok. C’est vite gênant.
La vie privée de chacun doit être respectée. Là encore, j’applique le consentement. Je m’efforce de ne pas dévoiler de chose qui pourraient porter préjudice à la personne ciblée sans lui demander son accord.
Ecoute et remise en question
Depuis que j’ai démarré cette démarche d’être plus inclusif, j’ai modifié à de nombreuses reprises les règles que je me donnais. Je les ai affinées et remises en question.
Mon comportement n’est pas parfait et ne le sera probablement jamais. Mon objectif est d’avoir surtout un comportement le plus en accord possible avec mes valeurs.
J’en ai beaucoup parlé avec mon entourage. Cela m’aidait à vérifier que mes règles étaient logiques, faciles à respecter, … Cela a été très utile.
Régulièrement, mes amis me font remarquer lorsque je ne respecte pas ces règles. C’est l’occasion pour moi d’adapter mon comportement et/ou de remettre en question la règle.
J’essaye d’être plus à l’écoute des autres, voir si j’ai pu avoir un comportement qui les dérange et comprendre pourquoi. Cela me permet d’ajuster mes règles de conduite.
Sensibiliser l’entourage
A force de réfléchir sur le sujet, certaines règles sont devenues des évidences et cela me dérange quand d’autres ne les respectent pas (ex: quelqu’un fait une blague sexiste).
Comme j’ai parlé de ma démarche à une bonne partie de mon entourage, pas mal d’ami·e·s se sont retrouvé·e·s, suite à des discussions que nous avons eues, à réfléchir sur ces différents sujets et nombreu·ses·x sont ce·elles·ux qui ont adapté leur comportement (ou du moins, sont en train de le faire).
Le fait que certaines règles que je me suis fixées soient acceptées voire adoptées par les gens à qui j’en ai parlé, est un très bon moyen de savoir si les règles sont pertinentes.
Finalement, naturellement, une partie de mon entourage qui n’était pas au clair sur ces sujets (comme je l’étais il y a quelques temps), s’est remise en question en fur et à mesure de nos discussions. Bravo à eux :)
PS : Je réfléchis à faire un manifeste ou code de conduite open source autour de la bienveillance. Si l’idée vous plait, on en parle quand vous voulez !
J’ai relu cet article et ça consolide en moi une certaine idée. J’ai des airs de « petite fille », on me catalogue de nana un peu fragile qui n’a pas confiance en elle. On doit me le rabâcher au moins 3 ou 4 fois par semaine (alors que je n’ai rien demandé) dès que je commence à parler en profondeur avec quelqu’un et que je me livre (ce qui arrive très souvent).
Ça m’embête aujourd’hui car 1) ce n’est pas forcément vrai et de 2) j’ai fini par me satisfaire de ces pensées limitantes depuis toute petite.
Cette image que je donne est accentuée avec mon besoin de recueillir le consentement, à éviter toutes formes de discrimination, à ne pas blesser. Je prends alors une voix douce et j’ai l’impression que c’est souvent mal reçu. « Elle s’écrase », « elle n’a pas confiance en elle » alors que wtf non pas du tout !!! C’est souvent le cas auprès des gens qui me prennent pour une introvertie d’ailleurs, alors que je suis extravertie à 100% (tmtc).
Je sais pas comment me sortir de cette boucle infernale, ça me fait chier.
Camille, n’y a-t’il jamais eu personne qui soit suffisamment bienveillant envers vous – et accessoirement, qui soit suffisamment mature – pour vous rappeler que l’enfer est pavé de bonnes intentions ?
Encore un super article, j’adore l’idée du manifesto, on s’y met quand ? Je peux inviter des amis ?