On s’est rencontré au Ruby Lugdunum à Lyon en juin dernier. Tu es le nouveau président de l’association Ruby France. Tu es très bien placé pour avoir une idée précise de l’état de la communauté Ruby en France aujourd’hui. Ton point de vue m’intéresse !
Je souhaite interviewer quelques personnes aux profils divers afin d’avoir un état des lieux de la communauté en France et de réfléchir ensemble à comment la faire évoluer.
Si tu le veux bien, j’aimerais en savoir plus sur toi et ta vision de Ruby.
– Peux-tu te présenter en quelques lignes ?
Bruno Michel, 28 ans, Paris. J’ai fait des études d’informatique à l’IIE-CNAM (ça s’appelle maintenant ENSIIE) et j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur. Je travaille chez af83 depuis plusieurs années. Mon poste actuel est Lead Developer mais ça change régulièrement. En parallèle, je m’occupe également de Ruby France et de LinuxFr.org, un site web populaire sur Linux et le Logiciel Libre. D’ailleurs, la version actuelle de LinuxFr.org tourne en Ruby on Rails et j’en suis le développeur principal.
– Quand as-tu commencé à développer en Ruby ? Quelles ont été tes motivations ?
Hum, je dirais en 2004 ou 2005. À l’époque, Ruby n’était vraiment pas connu (c’était avant Ruby on Rails) et j’ai commencé un peu par hasard. Je codais surtout en C, un peu en C++ et j’avais envie d’essayer des langages de programmation de plus haut niveau. J’ai essayé Perl mais je n’ai pas vraiment accroché. Un ami m’a alors parlé de Ruby et je suis tombé à peu près au même moment sur le Poignant Guide. J’ai alors fait mes premiers scripts en Ruby et j’ai tout de suite adoré la facilité avec laquelle on peut écrire très rapidement des programmes.
– Considères-tu Ruby et Ruby on Rails comme un avantage concurrentiel ? Pourquoi ?
Ça dépend. Certains clients peuvent être réticents à utiliser Ruby on Rails plutôt que du PHP ou du Java car cela peut poser des problèmes avec leur hébergeur actuel ou pour trouver une autre société de services pour reprendre le projet si ça se passe mal. Mais une fois cette phase passée, Ruby on Rails est redoutablement efficace pour développer des applications web avec des délais serrés et en évitant d’accumuler trop de dette technique. L’écosystème, notamment, est très riche, ce qui permet de trouver des gems (un gem est une bibliothèque en Ruby packagée pour pouvoir être installée en une commande) pour beaucoup de besoins et de gagner ainsi beaucoup de temps. L’autre grand avantage de Ruby est que sa communauté est très pragmatique et n’hésite pas à essayer beaucoup de solutions pour ne garder que la meilleure. Nous avons ainsi la primeur sur les outils et méthodes : Framework MVC, TDD (Test Driven Development), framework CSS, déploiement automatisé ont, par exemple, été adoptés par les rubyistes avant de se répandre ailleurs.
– Peux-tu me décrire ton environnement de travail habituel ? Quels gems, langages, techno, OS, IDE, méthodes utilises-tu ?
Je travaille exclusivement sous GNU/Linux avec des distributions comme Debian et Ubuntu. Pour l’IDE, c’est Vim + des terminaux ;-)
Par contre, pour le reste, je suis très versatile. J’aime bien essayer de nouveaux langages, de nouvelles méthodes, en changer pour éviter la routine. Par exemple, pour les langages, Ruby est bien évidemment mon langage de prédilection mais je fais aussi beaucoup de JavaScript/CoffeeScript, je suis de près ce qui passe du coté de Go, j’ai récemment fait un projet en C et ça m’arrive de débugger du Java ou de lire de l’Erlang. Et si j’arrive à trouver un peu de temps, j’aimerais bien me mettre à Fancy.
Coté technos, j’utilise pas mal de NoSQL (principalement Redis et MongoDB) et d’Evented Programming (EventMachine et Node.js). Et pour les gems, j’ai bien sûr mes préférés comme Goliath, Devise, Pry ou Redcarpet, mais ça change beaucoup d’un projet à l’autre.
– Que penses-tu de la communauté Ruby en France ?
J’ai un avis très mitigé sur la communauté Ruby en France. Ces dernières années, Ruby France a une activité très limitée, principalement par le manque de bonnes volontés pour l’animer. Nous avons également des problèmes assez sérieux : par exemple, il est très difficile pour une société de recruter un développeur Ruby on Rails expérimenté.
Mais, j’ai l’impression que la communauté est en train de se prendre en main pour faire changer ça. Des formations autour de Ruby se sont mises en place et de nouvelles têtes, comme toi Camille, sont arrivées pour insuffler de la vie dans cette communauté. Les apéros Ruby qui se multiplient sont un bel exemple de cette nouvelle énergie. J’ai donc bon espoir que la communauté Ruby grandisse et devienne mieux structurée dans les années à venir.
– As-tu des idées pour améliorer la situation actuelle de la communauté Ruby ?
Je pourrais citer pas mal de propositions (aller parler de Ruby et Rails dans les écoles d’informatique, monter des conférences prestigieuses comme pouvait l’être Paris on Rails, publier un livre blanc sur Ruby en France), mais si personne n’est là pour les réaliser, ça ne servirait à rien. Pour que la situation s’améliore, le plus important que de plus de personnes s’investissent, chacun à sa manière. Certains seront plus à l’aise à écrire un article pour GNU/Linux Magazine France, d’autres à organiser un apéro Ruby ou encore à faire une présentation lors d’une conférence comme OSDC.fr.
– Peux-tu m’expliquer le rôle de l’association Ruby France ?
Initialement, Ruby France s’est créé quand Ruby était encore confidentiel. L’association servait alors de point de rencontre et discussions entre les rubyistes français. Son objectif principal est la promotion de Ruby mais les moyens pour y parvenir changent au fil du temps : écrire de la documentation en Français nous semble maintenant bien moins important qu’au début de l’association. Par contre, nous essayons de faire naître et grandir des groupes d’utilisateurs dans les différentes villes et d’être un point d’échange entre ces groupes.
– Pourquoi as-tu décidé de devenir le nouveau président de l’association ?
Parce qu’il en fallait un ;-)
Plus sérieusement, je suis toujours émerveillé par la communauté Ruby dans le monde et je pense que la communauté française a aussi le potentiel pour faire des trucs géniaux. Et pour ça arrive, je suis prêt à donner de mon temps et énergie à faire avancer les choses.
– En tant que nouveau président quelles ont été tes premières actions ?
J’ai commencé par faire un état des lieux et essayé de relancer une dynamique au sein de l’association. Pour cela, j’ai choisi des actions relativement faciles à mettre en place mais qui permettent de montrer que ça avance : avoir un site web avec régulièrement de l’activité, être plus présent aux événements (on a sponsorisé Ruby Lugdunum, tenu un stand aux Rencontres Mondiales du Logiciel Libre et aidé à l’organisation d’OSDC.fr) et informer régulièrement les membres de Ruby France via la mailing-list interne.
Et pour la suite, il est toujours prévu de changer les statuts de l’association (trop lourds et trop compliqués à gérer), de continuer à mettre à jour les différents contenus présents sur notre site web et d’essayer de lier des partenariats pour accentuer notre présence sur Internet.
– Comment vois-tu l’association dans quelques années ?
Probablement pas beaucoup plus active que maintenant. Mais j’espère qu’elle sera un hub entre des groupes d’utilisateurs locaux dans les différentes villes qui, eux, seront très actifs. L’association pourra également servir de structure légale pour aider à l’organisation d’événements importants (faire les factures pour les sponsors et gérer la trésorerie par exemple).
– Je te laisse le dernier mot pour conclure :)
Merci de m’avoir proposé cette interview. Cela fait plaisir de te voir t’investir dans la communauté et, avec un peu de chance, cela donnera de bonnes idées à d’autres :)
– Merci beaucoup de m’avoir accordé un peu de ton temps.
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